Budget du voyage et quelques réflexions

Huit mois après mon retour, et deux mois avant la date prévue pour un autre voyage, il est temps de terminer ce blog en rapportant quelques chiffres, quelques données du budget de ce voyage (j'y tenais car j'aime affirmer qu'on peut tout-à-fait partir loin et longtemps sans pour autant y laisser toutes ses économies), ainsi que quelques réflexions.

Le point de départ : dès que j'ai découvert l'existence de l'Euvélo6, j'ai eu un coup de coeur pour l'idée simple et géniale de traverser l'Europe en utilisant les fleuves comme fil conducteur, et, séduite par l'absence de difficultés vantée par le site (je crains principalement les gros dénivelés), je me suis dit "Voilà un truc pour moi !".
Ce qui m'a enthousiasmée au départ : le Danube et tout ce que ce nom m'évoque de légendes, d'Histoire, ainsi que l'objectif final du voyage : le delta du Danube, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais également, l'idée de traverser tous ces pays, pour la plupart inconnus, précédés de mystère et d'exotisme, me fascinait et excitait ma curiosité.


J'ai juste adapté l'itinéraire :

  • en décidant de partir "de la maison" ou tout comme
  • en utilisant un topo acheté l'année précédente "Le Rhône à vélo", très bien fait, qui détaille un itinéraire longeant le Rhône de sa source en Suisse jusqu'à Port St Louis du Rhône. J'ai suivi ce topo dans le sens inverse de sa description, c'est pourquoi je me suis quelquefois égarée.
  • en suivant quelques unes des nombreuses et confortables véloroutes suisses pour rejoindre l'Eurovélo 6 peu après Bâle, longer un bout du Rhin et rejoindre le Danube peu après sa source.

Motivations

Il s'agissait de

  • réaliser un rêve ancien que je pensais inaccessible et en tous cas pas pour moi. Oser partir étant le premier pas, la suite s'est faite toute seule.
  • partir en solo, ce n'est pas vraiment un choix déterminé au départ, mais il s'est avéré très satisfaisant à l’arrivée, pour la disponibilité : en couple, ou en groupe, on n'aborde pas les gens de la même façon, et inversement, les autres hésitent à vous aborder.
  • montrer qu'il n'est pas question d'exploit, mais prouver que c'est quelque chose d'accessible, pour une femme, comme pour un homme, avec un petit budget, sans préparation physique particulière....
  • défier les nombreuses mises en garde entendues de toutes parts, avant et pendant le voyage, sur tous ces dangers potentiels qui guettent une femme, surtout seule : solitude, vols, agressions, les « féroces chiens roumains », les tsiganes, les serbes, etc…
    Avant de partir, je voyais ce projet comme une expérience, que je ne mènerai pas forcément jusqu'au bout, mais que ce serait déjà pas si mal si j'arrivais en Allemagne, par exemple. Un peu par superstition, et aussi par manque d'assurance, j'imaginais toutes sortes de choses qui pourraient m'obliger à rentrer : un accident, le vol de mon vélo, de mes papiers ou de ma carte bleue, un pépin à la maison, un coup de cafard, .... et puis, une fois partie, tout a été si facile d'avancer jour après jour. Chaque matin en me réveillant, je m’émerveillais d'être arrivée si loin.

Principes de départ

  • autonomie : matériel de camping et mini réchaud
  • (très) petit budget : pas question de taper dans mes économies : il s'agit de vivre sur mes ressources habituelles, tout en continuant à prendre en charge les frais liés à mon domicile ==> donc, toujours limiter les dépenses au nécessaire
  • Eviter le camping sauvage (promesse négociée pour ma sécurité) et le soir pouvoir prendre une douche et faire une lessive de ma tenue du jour : ces principes se sont avérés impossibles à respecter !
  • Rester en contact avec les miens grâce au présent blog (+ téléphone)
  • Ne pas être esclave du kilométrage, suivre mon inspiration, être ouverte à l'inattendu et aux rencontres, improviser selon les opportunités

Quelques données chiffrées ou non
  • durée du voyage : 67 jours, y compris les 3 jours du voyage retour, soit du 4 mai au 10 juillet 2008
  • 10 frontières traversées : Suisse, Allemagne, Tchéquie (hors eurovélo6), Autriche, Slovaquie, Hongrie, Croatie, Serbie, Roumanie, Bulgarie
  • quelques nuits dans des endroits insolites : dans la forêt de la Sumava en Tchéquie, sur la paille dans une ferme en Allemagne, chez Georges à Turnu Magurele, sur une terrasse de bistro à l'embarquement du ferry à Calarasi, dans un monastère, dans une colonie de vacances, dans le dortoir des vendangeurs du ranch de Victor...
  • un chargement de 35 à 40 kg, vélo compris : 2 sacoches de 12.5 l chacune à l'avant, à l'arrière un pack de 2 petites sacoches reliées par un "pont" sur le porte-bagages, surmonté d'un baluchon contenant tente et couchage. Ce dernier système s'est avéré un peu limite en capacité, et surtout trop long à mettre en place et à retirer le soir. Si j'ai les moyens, je remplacerai ce matériel par des sacoches étanches qui se clipsent en un clin d'oeil sur le porte-bagages, mais c'est cher !
  • Aucun problème mécanique : les pneus Schwalbe sont à la hauteur de leur réputation, et je n'ai eu aucune crevaison. J'ai fait régulièrement contrôler la pression des pneus (mais pas assez souvent, m'a-t-on dit) et j'ai souvent pensé à huiler les axes de roues, la chaîne. Quelques éraflures sur le cadre, une attache de sacoche à refixer, c'est tout ! J'oubliais que j'ai quand même complètement bouffé mon patin de frein arrière, jusqu'au fer !
  • budget du voyage (non compris le vélo et ses équipements) : 1840 €, qui comprend l'hébergement, la nourriture, les consommations, les transports (ferries, voyage du retour en car), la partie communication (cartes téléphoniques, courrier, sessions internet), les visites, quelques achats de nécessité... cela m'est donc revenu à moins de 27,50 € par jour.
    Quelques constatations en vrac rapportées à ma seule expérience sur mes dépenses et leur variation selon les pays traversés :
    • les moins chers pour la nourriture étaient la Serbie et la Bulgarie ; pour le prix des hôtels : Hongrie et Serbie. Les tarifs d'hébergement, même en camping, sont toujours désavantageux quand on est seul (on paie la plupart du temps comme pour un couple, ou comme par hasard, y'a plus que des chambres doubles, etc...)
    • Internet m'a coûté une fortune en Suisse (mais qu'est-ce qui n'est pas cher en Suisse ?), mais très peu en Hongrie, Serbie, Bulgarie, assez bon marché en Roumanie.
    • On le sait, mais je le rappelle, l'utilisation du téléphone portable à l'étranger est réellement ruineux !
    • Mes travellers chèques ont été absolument inutiles : A Constanta, la 2ème ville de Roumanie, aucune banque n'a voulu les prendre, les hôtels non plus !
    • J'ai utilisé ma carte Bleue pour obtenir des devises dans les pays hors zone Euro, mais chaque fois, j'ai mal estimé mes besoins, ce qui m'a coûté très cher en frais bancaires et commissions : mon récapitulatif annuel de frais bancaires indique une somme globale de 86,17 € représentant le coût de tous ces petits retraits.

Ce qui m'a manqué/ ce qui m'a été inutile ...
  • m'ont manqué : pas grand chose, surtout de l'anti-moustique, en Roumanie ; j'ai aussi été un peu à court de lecture ; je me suis parfois égarée faute de disposer des topos ou guides, mais en cours de route, j'ai pu me procurer le Donau Radweg 4 et surtout les cartes Huber, qui m'ont été très utiles.
  • inutile : une paire de demi-semelles en silicone, le chargeur solaire à manivelle pour téléphone / radio et lampe de poche : j'ai toujours pu recharger mon téléphone en temps voulu, la radio est inaudible et nécessite de tourner la manivelle toutes les 20 secondes, enfin, c'est très bruyant, même chose pour la torche. Je ne suis jamais servie de mon pantalon imperméable vélo.
  • objets perdus (et rachetés) : clips solaires, lampe de lecture, brosse à cheveux, stylos, barrettes
  • objets récupérés : une thermos, une carte routière de la région de Györ en Hongrie (cadeau de Gilbert et Marianne), des affiches électorales (de Valeria), une petite boîte de pommade pour calmer les piqûres de moustiques, type baume du tigre (encore Valéria) et une méthode d'apprentissage des verbes irréguliers (de George)

Mes petits bonheurs

  • le plaisir de faire du vélo au quotidien : victoire sur soi-même, quand ça grimpe longtemps et qu’on pose pas le pied à terre, quand l’étape est longue, plaisir de la vitesse quand ça descend... En réalité, je dis ça parce que ça fait bien, mais non, le trip du dépassement de soi etc ..., ce n'est pas exactement ma tasse de thé. Pour moi la pratique du vélo, je l'associe davantage au bien-être tout simplement (endorphines ?).
  • Découvrir et apprécier chaque instant au rythme lent du vélo : on voit les détails, on a le temps de savourer, on peut s’arrêter quand on veut, repartir en arrière … : plaisir de rouler sur des pistes cyclables confortables (enfin, ça c'était au début du voyage !), loin des villes et du trafic, petites routes, villages, campagnes. Les gens y sont plus curieux et bienveillants.
    Constater l’avancée des cultures d’une semaine à l’autre (par exemple, les hauteurs des maïs), leur variété en avançant vers l’est.
  • les découvertes de ces pays étranges et étrangers, me lancer dans la pratique des langues oubliées depuis le lycée, me trouver dans des endroits pas ordinaires (Mauthausen, inoubliable Budapest, Vukovar encore en ruines, le km 0 à Sulina, la balade en bateau dans le delta…)
  • Etre accessible, faire des rencontres : dans la vie de tous les jours, les occasions d’entamer la conversation avec des inconnus ne sont pas si nombreuses. Grâce au vélo, on a beaucoup d’occasions d'en faire, et le plus souvent elles sont belles et chaleureuses. A mon sens, c’est encore plus vrai si on est seule (et une femme, encore plus, je pense !). J'ai trouvé des personnes extraordinaires, insolites, délicieuses : Jacqueline et son fils, M. Buckhart, Alain, Sabine, Gilbert et Marianne, Marina, Dragan le rocker, Violaine, Valéria et George, Jossif, Victor, Julian, Lucian, Mihaï, Chris et Simon, et tous les autres...
  • S’affranchir des contraintes habituelles : bien sûr, en vélo on a des contraintes (poids du chargement, fatigue, météo). Mais avec le principe du voyage (surtout seul) en autonomie, on est plus libre : rien à réserver, pas d’horaire fixe, on peut à tout moment modifier le «prévisionnel »… C'est trop bien, mais quand on part longtemps, gare au ...syndrome du retour !
  • Prendre conscience plus que jamais qu'avoir confiance en soi et en les autres permet de vaincre les difficultés : tout problème finit toujours par trouver une solution, même si elle est parfois inattendue.

Au final, j'ai toujours une très grande envie de repartir ce printemps : j'ai gagné quelques invitations et j’ai maintenant un petit carnet d’adresses dans tous ces pays.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Joëlle,

Aujourd'hui, 20 mars c'est le printemps, et pas seulement sur le calendrier...
Peut-être est-tu déjà repartie ?
l'article sur le Midi-libre a assurément augmenté l'audience du blog, mais pourquoi pas un bouquin aussi ?

Je ne me lasse pas de temps en temps de relire quelques passages qui me font du bien...

Bises, à bientôt.

gg_UC

Anonyme a dit…

coucou, effectivement c'est toujours sympa de te lire.....où vas tu aller???? Bisous
Michèle

Anonyme a dit…

Quel article de midi libre?????
Michèle