Oltenita-embarcadere de Calarasi le 25 juin

Ce matin je me réveille fatiguée et pas motivée. En partant de l'hôtel, je m'aperçois que mon vélo fait un bruit anormal. Je tourne autour, secoue les sacoches, tripote les freins, bref, je mets 10 mn avant de comprendre d'où ça vient (difficile à expliquer, c'est un système maison pour protéger le dérailleur de la boue et dont le clip s'est décroché, donc rien de grave).
Je fais regonfler mes pneus à la première station mais impossible de convaincre le pompiste qu'il faut mettre 4 bars, et même 4.5 à l'arrière. Il doit me prendre pour une incompétente, et met seulement 3 de pression. J'espère que ça ira, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est à cause de cela que je peine autant aujourd'hui! En plus, il y a un peu de vent de face, et j'ai l'impression de ne pas avancer!
A ma première pause à un café-épicerie ("magazin mixt"), où je m'enfile carrément un litre de iaurt bien frais en bouteille et un soda citron, un homme qui réalise que je suis française, me chante très fort bien dans les oreilles "les feuilles mortes", puis "Parle plus bas car on pourrait bien nous entendre", et enchaine sur d'autres succès de Dalida, il m'assure aussi qu'il connait toutes les paroles de la Marseillaise.
Puis un autre client tout édenté me dit que j'ai l'air fatiguée, que je peux aller faire la sieste chez lui, ben tiens.
C'est alors qu'arrive un des moments forts de la journée : j'entends la jeune patronne crier après un client, je pense que c'est parce qu'il a renversé un peu son verre par terre. Mais lui se retourne vers elle et lui balance tout le contenu de son bock au visage. Puis il jette violemment juste devant elle, sur le carrelage, le bock qui se brise.
Un autre client intervient et lui donne des baffes sur le crâne pour le faire partir. La fille a le pied en sang, et curieusement personne ne s'occupe d'elle. Alors Super jojo secouriste intervient, vide tout le contenu d'une sacoche pour y attraper mouchoirs en papier, antiseptique et pansements. Je la fais asseoir, vérifie qu'elle n'a pas de bouts de verre dans la blessure et la soigne. Pour une fois que ce n'est pas moi qui suis assistée !
Je repars ensuite, toujours à trainer ma fatigue, et ma soif. Tous ces abricots sur le bord de la route devant les maisons me font envie, je me demande pourquoi ils ne sont pas ramassés, peut être parce qu'ils ne sont pas traités et véreux? Je n'ose pas en ramasser, il y a toujours du monde.
Les villages se ressemblent : plusieurs nids de cigognes encore, des églises, des puits. Devant cette église, j'ai si soif que je tente de puiser l'eau du puits avec le seau. Je me débrouille très bien, et je me réjouissais à l'avance, mais cette eau a un goût et une odeur si immondes que je la soupçonne de ne pas être potable !
A Calarasi, je cherche un café Internet : il y en a même 2, mais leurs connexions sont tombées, ça semble arriver souvent.
Arrive la question maintenant quotidienne de l'hébergement. A Calarasi, il y a en principe un hôtel, mais ma carte indique également deux pictogrammes de "camping" et "chambres" 10 km après Calarasi, là où se trouve l'embarcadère du bac que je dois prendre. Je préfère donc dépasser Calarasi pour les atteindre, mais une fois arrivée sur place, à l'embarcadère, c'est à dire au bout de rien, il se trouve qu'il n'y a ni l'un ni l'autre : juste 2 guinguettes et la cabane où on prend les tickets. Je suis trop fatiguée pour retourner à Calarasi, et l'autre côté de la rive me paraît aussi hasardeux pour chercher un hébergement. Le "capitaine du port", qui porte une superbe casquette, se rappelle qu'il y avait bien un camping il y a 20 ans de cela!
Il me dit que je peux camper où je veux, que je suis en sécurité, car la police des frontières fait des rondes, etc... La vérité, c'est qu'il y a 25000 chiens ici, et que tout autour, c'est vraiment très crade, ça ne me fait pas du tout envie. Heureusement, il me trouve une alternative : la tenancière du bar, présentement plein de tsiganes au T shirt savamment relevé sous les aisselles, est d'accord pour me laisser dormir sur sa terrasse, que vous voyez en photo (les voitures, c'est la file d'attente pour le bac).
Donc tout finit par s'arranger, je finis même par m'habituer à ce qu'une solution me tombe du ciel, ça ne me surprend même plus. J'attends la nuit que tout ce monde soit parti (mais en fait il y a des traversées jusque très tard) et j'installe plus ou moins bien ma tente, sans bien sûr pouvoir planter de sardines, mais orientée de telle sorte que mes ficelles puissent trouver des points d'accrochage, et en fixant les 4 coins de la tente avec des gros cailloux . Elle ne paye pas de mine, mais je peux y mettre mon matelas et me changer sans problème. Mon sorcier bien-aimé ne renierait pas mon ingeniosité et ma capacité d'adaptation à l'environnement. Malgré la chaleur de la journée, inutile de penser à une douche, encore moins à une petite lessive : ici il n'y a pas d'eau, on va la chercher à Calarasi. Tout le monde est sympa avec moi, l'homme qui vend les tickets du bac me propose une bouteille d'eau non potable pour faire une toilette et me dit qu'il est de permanence toute la nuit, que je peux frapper à sa cabane en cas de souci. En fait, je me sens tout en fait en sécurité, c'est juste que c'est un peu inhabituel!
Pour les toilettes, il y a une cabane à l'ancienne sans porte, avec juste un trou, près de l'embarcadère, je raconte même pas, ni le lieu, ni son accès, car je pense que les priorités sont ailleurs, ici. Encore heureux que j'ai un endroit pour dormir.
Avant la nuit, je prends quelques photos du site, et aussi de 3 chiots qui n'arrêtent pas de jouer.




Près de moi, il y a aussi une chatte allaitante avec ses 2 chatons (pas pu prendre de photos)
En fait, je dors très mal : après les mouches, ce sont les moustiques qui prennent le relais, il fait trop chaud, et surtout, les innombrables chiens du site aboient dès qu'ils détectent un mouvement, c'est-à-dire sans arrêt. Vers la fin de la nuit, je me rappelle que j'ai quelque part des boules Quies, dont je ne me sers jamais, et bien j'ai tort car c'est super efficace, car je m'endors comme un bébé. Dommage, l'embarcadère s'active très tôt, avant 6 heures et je ferai la grasse matinée une autre fois.

Aucun commentaire: